Le dialogue de Bohm
David Bohm (1917-1992) est un physicien américain qui a contribué de manière significative au développement de la physique quantique et qui s’est également intéressé à la philosophie, à la conscience humaine et à la communication. Vers la fin de sa carrière, Bohm a développé une forme de dialogue de groupe visant à permettre aux membres de réfléchir ensemble à des questions polarisantes, et à le faire de manière à observer le processus de leurs pensées et questionner leurs biais, croyances, présupposés et réactions.
Bohm croyait que pour espérer résoudre les maux de notre société, nous devions d’abord apprendre à dialoguer et porter attention aux processus qui fragmentent, divisent et antagonisent la pensée. Plus de trente ans après sa mort, à une époque marquée par les débats idéologiques acrimonieux, les discours complotistes et les fausses nouvelles, cette idée est encore d’actualité. Selon Tasos Kazepides, auteur de Education as Dialogue :

Le monde aujourd’hui ne se trouve pas dans une situation précaire et explosive parce qu’il manque de scientifiques, ou qu’il y a trop d’endoctrinés ou de fanatiques. Ce dont notre monde a désespérément besoin, ce sont des hommes et des femmes capables de s’engager dans un réel dialogue.
Tasos Kazepides
Dans le dialogue de Bohm, les participant.e.s sont invités à réfléchir ensemble. Leurs idées, croyances, points de vue, réactions sont déposées avec transparence et authenticité au centre du cercle, sans désir de convaincre, d’en arriver à une solution ou une conclusion. L’objectif est d’explorer un thème ou une question et d’y réfléchir dans un esprit de camaraderie.
Cette forme de dialogue constitue aussi une manière privilégiée d’observer ce qui se joue en nous, chez l’autre et au sein du groupe durant les échanges. Parce que ceux-ci se déroulent dans la lenteur et qu’ils sont ponctués de silences, il devient plus facile de porter attention aux processus de la pensée; aux préjugés, aux biais ou aux jugements, par exemple, qui émergent au fil du dialogue et qui influencent nos interactions.
Le dialogue de Bohm a des caractéristiques distinctives. D’une durée d’environ 1h30 à 2h00, il est généralement pratiqué en groupes de 16 à 20 personnes. Il n’est pas dirigé par un.e leader ou orienté par un agenda prédéterminé. Les participant.e.s sont généralement assis en rond et s’adressent au cercle, plutôt que de discuter directement entre eux. Cette forme de dialogue appelle aussi à certaines attitudes. Par exemple, les participant.e.s sont invités à suspendre leurs certitudes, leurs jugements et leurs présuppositions. Ils/elles sont aussi invités à accueillir les différences avec respect et curiosité, et à questionner l’autre avec considération.
En somme, le dialogue tel qu’imaginé par Bohm est une pratique de transformation personnelle et sociale, une façon de cultiver l’ouverture, l’inclusivité et le discernement et une alternative aux débats qui excluent et empêchent les distinctions fines.
Que chacun dise franchement ce qu’il a à dire ; la vérité naîtra de ces sincérités convergentes.
March Bloch